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Du côté des patrons

Après une campagne « anti-système », Milei recycle déjà des figures du régime dans son gouvernement

La campagne présidentielle de Javier Milei était rythmée par le slogan « qu’ils s’en aillent tous ! », mais les premières nominations au postes de ministres montrent l'intégration de plusieurs têtes d’affiches de la droite traditionnelle et du régime.

Tommaso Luzzi

6 décembre 2023

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Après une campagne « anti-système », Milei recycle déjà des figures du régime dans son gouvernement

Crédit photo : Capture d’écran, Télam

Le nouvellement élu Président argentin Javier Milei avait fait campagne sur sa volonté de se débarrasser de la « caste », désignant ainsi les élites politiques (et syndicales) qui gouvernent le pays depuis des décennies. Mais les premières annonces sur la formation du nouveau gouvernement affichent une volonté claire de continuité avec ceux qu’il qualifiait de « voleurs » quelques mois auparavant.

Bullrich : la candidate de droite devenue ministre de la sécurité

Le retour de Patricia Bullrich au ministère de la sécurité (un poste qu’elle a déjà occupé de 2015 à 2019), annoncé vendredi dernier, montre ainsi la volonté de Milei d’intégrer de grandes figures de la classe politique dans son gouvernement. Candidate pour la droite (PRO) à l’élection présidentielle, où elle est arrivée en troisième place, celle-ci avait soutenu Milei au second tour.

Le bilan de son mandat précédent est celui d’une grande offensive réactionnaire et anti-sociale. Elle est notamment responsable de la disparition du militant Santiago Maldonado et du meurtre de Rafael Nahuel, 22 ans, lors de l’expulsion de la communauté autochtone Lafken Winkul Mapu que son ministère avait ordonné.

Elle est également responsable de la « Doctrine Chockobar », qui promeut l’exécution extrajudiciaire des personnes accusées de vol. Lors de son précédent mandat, l’Argentine a connu une augmentation considérable des violences policières, notamment en 2017, où la police aurait tué en moyenne une personne toutes les 19 heures.

« L’Argentine a besoin d’ordre » a déclaré Bullrich dans son message de remerciement pour la nomination, en reprenant les thèmes de la campagne électorale de Milei ainsi que la sienne. Quelques heures auparavant elle avait réitéré sa proposition de modifier le régime pénal pour les mineurs en surfant sur la mort d’un jeune de 14 ans, tué par un ami.

Des premières annonces qui révèlent le visage bourgeois de Milei

Patricia Bullrich n’est pas la seule tête d’affiche de l’ancien gouvernement Macri à parvenir à une haute fonction au sein du futur gouvernement Milei. Luis Caputo, ancien ministre des Finances de Mauricio Macri puis président de la Banque Centrale Argentine a ainsi été annoncé comme le futur Ministre de l’Economie, ministère à l’importance stratégique centrale dans une période de crise économique historique, d’où partiront les grandes orientations des mesures austéritaires annoncées par Milei au long de sa campagne.

Caputo est notamment le principal responsable de la signature des accords de la dette historique contractée avec le Fonds Monétaire International sous la présidence de Macri en 2018. Une décision qui montre, là encore, la volonté de Milei de mettre en avant des figures de la « caste » qu’il a tant dénoncé au long de sa campagne, responsables en grande partie de la crise économique historique qui touche le pays, pour rassurer les classes dominantes et être en mesure de diriger le pays dans une situation de crise profonde.

A côté de Caputo et Bullrich, on peut aussi citer des figures comme Luis Petri, ancien candidat à la vice-présidence de Patricia Bullrich pour Juntos por el Cambio, qui prendra la tête du ministère de la Défense. D’autres figures du parti de Macri comme Sandra Petovello, pour le futur ministère du Capital Humain (une fusion des ministères de la santé, de l’éducation et du travail) ou du patronat comme Diana Mondino (chancelière) et Guillermo Ferraro (PDG pendant 13 ans de la multinationale KPMG), ont aussi été désignées.

Comme si cela ne suffisait pas, Milei a également décidé de nommer comme président de la Chambre des Députés Martín Menem, neveu de l’ancien président Carlos Menem, le président du tournant néolibéral argentin des années 90 qui avait abouti à la crise de 2001. Au cours de ses dix ans de présidence, le président pris pour exemple par Javier Milei a privatisé une soixantaine d’entreprises d’Etat, après des années de lutte des classes et des trahisons successives (voire le soutien direct) des directions syndicales.

Enfin, parmi les nominations qui ont fait du bruit, on peut également citer celle de Rodolfo Barra, ancien Ministre de la Justice (entre 1994 et 1996), comme procureur du Trésor. Dans les années 1990, Barra avait été forcé a démissionner lorsque son passé de militant de l’extrême droite nationaliste et son affiliation au groupe Tacuara, organisation ouvertement antisémite et néo-nazie, avait été révélée. Dans les années 1960, il avait ainsi été arrêté pour avoir attaqué une synagogue...

Alors que Milei prépare un véritable plan de guerre économique contre les travailleurs et les plus précaires, ces nominations révèlent le caractère totalement bourgeois du projet du candidat qui se présentait comme anti-système. Dans un entretien accordé à RP Dimanche, Jean-Baptiste Thomas expliquait en ce sens : « il y a une spécificité discursive du Milei de campagne - qui annonce un certain nombre de contradictions de ce qui pourrait être le Milei de gouvernement ». Des contradictions face auxquelles Milei a choisi la voie de l’intégration totale au régime pour tenter de mettre en oeuvre son projet d’offensive contre les travailleurs et les classes populaires.

Une trajectoire typique de l’extrême-droite, qui rappelle que derrière ses discours qui s’en prennent volontiers au régime, de l’Italie à l’Argentine en passant à la France, celle-ci est entièrement subordonnée aux intérêts des classes dominantes.


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