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Opinion

De la « laïcité » à l’extrême-droite : Malika Sorel-Sutter rejoint le Rassemblement National

De la « laïcité » à l’extrême-droite, un fil est tendu, comme la nomination de Malika Sorel sur la liste du RN aux Européennes l’illustre une nouvelle fois.

Enzo Tresso

25 mars

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De la « laïcité » à l'extrême-droite : Malika Sorel-Sutter rejoint le Rassemblement National

Crédits Photo : Capture d’écran Europe 1 / CNews

Le 15 mars 2004, la première loi contre le port du voile était votée. Vingt ans après, les lois liberticides et islamophobes se sont multipliées. De la loi contre le port du voile dans l’espace public de 2010 à la loi « séparatisme », promulguée en août 2021, ces deux dernières décennies témoignent de la diffusion des idées racistes dans la société française et de la publicité dont jouissent ceux qui, Malika Sorel, les ont défendues et portées. Passée de la droite sarkozyste à l’extrême-droite, Sorel-Sutter vient d’être nommée à la seconde place de la liste du Rassemblement national pour les élections européennes.

Nommée en 2007 membre du Haut conseil à l’intégration par Nicolas Sarkosy, Malika Sorel se fait déjà remarquer pour ses positions tranchées sur le droit du sol dont elle demande l’abrogation. Elle demeurera en poste sous la présidence de François Hollande jusqu’à la dissolution du conseil en 2012. Elle se rapproche alors de plus en plus de l’aile droitière de l’UMP puis des Républicains et se lie d’amitié avec Philippe de Villiers, connus pour ses propos racistes et ses déclarations complotistes. Lors de la campagne de 2017, elle déclare son soutien à François Fillon, alors inquiété par des affaires judiciaires, qu’elle considère comme le « seul qui puisse incarner le droit à la continuité historique du peuple français » et dont elle loue « la gestuelle française ».

Elle se rallie désormais à la liste d’extrême-droite portée par Jordan Bardella : « Aujourd’hui, en soutenant Marine le Pen, en étant numéro deux de la liste conduite par Jordan Bardella, je souhaite participer à la recomposition française ». Ralliée à la liste frontiste, elle combine à l’islamophobie le nationalisme de la « France éternelle » et résume ainsi son parcours : « J’ai travaillé avec Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy et François Fillon : désormais j’estime que le Rassemblement national est le seul parti qui défende les intérêts supérieurs de la France et du peuple français ».

Adoptant une ligne laïcarde dure, Malika Sorel prône une définition islamophobe de la laïcité, symptôme d’une radicalisation identitaire de la classe politique française, du Printemps Républicain au Rassemblement national. Compromis entre la République et l’Eglise, la loi de 1905 garantissait la liberté de culte en contrepartie de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et de la fin de l’ingérence des hommes d’Eglise dans les affaires publiques. Thématique relativement absente des débats publics avant les années 1980, la droite et l’extrême-droite ont progressivement réussi à l’imposer dans l’opinion. Hantée par le spectre du colonialisme, la France découvrait alors sa diaspora coloniale. Après la percée du Front National et la médiatisation du parti de Jean-Marie le Pen, une partie de la gauche se rallia au mythe de l’intégration et de l’assimilation, pour ponctionner la base de la droite et de l’extrême-droite. Loin d’être défaite, l’extrême-droite se réempara de cette thématique et en fit le cœur de son programme.

Rompant avec l’indifférence de l’Etat à l’égard des cultes privées, une large partie du champ politique défend désormais une conception fondamentaliste de la laïcité, définie comme une assimilation aux valeurs de la communauté nationale, et considère toute différence confessionnelle ou culturelle comme une menace contre les valeurs majoritaires. Craignant la « libanisation » de la société française, Malika Sorel reprend à son compte cette ligne dure et méprise la diversité culturelle et la coexistence des confessions religieuses. Substituant au racisme classique de « l’inégalité des races » le thème de l’ « incompatibilité » des cultures, ce « néoracisme » défend ainsi le séparatisme culturel et la ségrégation de la différence [1]. Retors, il prétend même expliquer le racisme comme le résultat du choc des cultures ou des civilisations. De la laïcité à l’extrême-droite, un fil est donc tendu, comme la nomination de Malika Sorel l’illustre une nouvelle fois.


[1Étienne Balibar, « Y a-t-il un néoracisme ? », dans Race, nation, classe  : les identités ambiguës, Paris, la Découverte, 2018, pp. 61-65.



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