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Un paquet de ministres pas dégagés

Détruire l’école publique et la fuir : quelle école nous réserve Oudéa-Castéra ?

Avec ses trois enfants scolarisés dans un établissement privé ultra réactionnaire pour bourgeois et ses déclarations qui ne cessent d’indigner les travailleurs de l’école publique, les premiers pas de la nouvelle ministre de l’Éducation Nationale en disent déjà long sur sa vision de l’éducation et le projet qu’elle porte pour l’école.

Louis McKinson

17 janvier

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Détruire l'école publique et la fuir : quelle école nous réserve Oudéa-Castéra ?

Crédits photo : Twitter d’Amélie Oudéa-Castéra

La crise s’installe durablement autour de la nouvelle ministre de l’Education Nationale. Au lendemain de sa nomination au ministère de l’Education nationale et des Sports, Amélie Oudéa-Castéra a justifié au micro de Médiapart pourquoi elle avait mis ses enfants dans un établissement privé en avançant les « paquets d’heures qui n‘étaient pas sérieusement remplacés » dans l’établissement public dans lequel était scolarisé son aîné et qui ont fait qu’« à un moment, on en a eu marre ».

Le choix de cette scolarisation, qui plus est à Stanislas, certainement l’établissement le plus réactionnaire et anti-pauvre du pays, est un scandale en soi mais le revendiquer en enfonçant l’école publique, voilà qui était déjà un coup d’éclat rare.

Aucune branche à laquelle se rattraper

D’une casserole l’autre, on apprend deux jours plus tard dans les colonnes de Libération que le récit de la ministre serait en plus faux. Selon la professeure des écoles qui avait à charge son ainé à l’époque du passage dans le privé, ce n’est pas à cause des absences que la famille Oudéa aurait décidé d’avoir recours au privé mais parce que l’école aurait refusé de faire passer prématurément son enfant en moyenne section. Il sera d’ailleurs le seul des enfants de la ministre à avoir mis les pieds dans le public, en maternelle, pour une durée de… six mois !

Oudéa-Castéra aurait donc sorti une réponse automatique, piochée dans les lieux communs de la bourgeoisie : le public ça marche pas. Il faut rappeler que si des « paquets d’heures ne sont pas remplacés » c’est notamment parce que chaque année le docteur Macron prescrit la saignée au corps enseignant, pour un total de 7900 postes supprimés en 5 ans. Et que ce sera encore 2500 de postes en moins en 2024. Autrement dit, que, à moins que nous l’arrêtions, c’est au pas de charge que la ministre Oudéa-Castéra va poursuivre cette politique de destruction de l’école publique !

En fait, il n’est pas anodin que la nouvelle ministre ait joué la carte des « heures non remplacées ». Cette thématique est en effet l’un des chevaux de bataille du gouvernement pour justifier la dégradation de nos conditions de travail, le pacte enseignant étant en effet pointé comme la solution à ce problème. Il n’en est rien. Ses « résultats » ne sont que le résultat d’un surplus de travail des profs à qui on agite une carotte. Mais parce qu’il constitue une dégradation statutaire et salariale du métier, il n’endiguera pas la saignée, tout au contraire, il participe pleinement à la liquidation néolibérale de l’école publique et à la multiplication des démissions.

En dernière analyse, le programme Oudéa-Castéra nous en connaissons la pente : une politique austéritaire forcenée qui, couplée aux mesures de précarisation des conditions de travail du personnel et d’intensification de son travail comme le pacte, approfondira encore plus la crise de l’éducation. Une politique dont les effets sont si bien compris par la ministre qu’elle se garde bien d’en partager les bénéfices avec ses enfants.

A l’école de la bourgeoisie

Quand Amélie Oudéa-Castéra affirme que « nous nous assurons que nos enfants sont bien formés, avec de l’exigence, qu’ils sont heureux, épanouis, qu’ils ont des amis, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance », elle exprime non seulement que l’école publique est une peine scolairement parlant mais aussi que pour donner à ses enfants des amis fréquentables, qui ne soient pas de dangereux délinquants, on ne peut y laisser ses enfants.

Cette stigmatisation des enfants des classes populaires relève d’un mépris de classe qui n’a rien d’étonnant tant la ministre incarne l’entre-soi bourgeois jusqu’à la caricature. Son père Richard Castéra était patron de Publicis, sa mère, ancienne directrice des ressources humaines chez Safran et autres groupes industriels, est de la famille Duhamel qui compte Alain, l’éditorialiste, son frère, Patrice Duhamel, ancien directeur de France télé, la femme de Patrice, la journaliste Nathalie Saint-Cricq, leur fils, Benjamin, qui officie chaque jour sur BFM. Et enfin mais pas des moindres, elle est mariée à Frédéric Oudéa, 15 ans patron de la Société Générale, passé l’année dernière à la tête de Sanofi.

Lire aussi : Oudéa-Castéra : son mari PDG de la Société Générale a menti pour protéger l’évasion fiscale

Le comique avec Amélie Oudéa-Castéra c’est que n’ayant connu que la haute, elle ne cesse de se prendre les pieds dans le tapis et enchaîne les gaffes. Sa nouveauté, ce n’est pas d’éviter l’école publique, c’est qu’elle dise tout haut ce que la bourgeoisie fait tout bas. Avant elle, il y avait Attal, issu de l’Ecole alsacienne ; Pap Ndiaye, qui y a aussi mis ses enfants ; Blanquer aussi produit de l’alsacienne. Macron et Brigitte évidemment, élève et prof du privé, comme la quasi-totalité des ministres.

Ce scandale a en plus le mérite de faire apparaître l’hypocrisie de la gauche bourgeoise qui doit essayer de surfer sur l’affaire sans s’éclabousser elle-même comme l’a mal fait Jérôme Guedj (PS) sur France Info.

En dernière analyse, on ne verra de contradiction entre le choix du privé et la fonction de ministre de l’Éducation nationale que tant qu’on se racontera des histoires sur le rôle de classe de cette institution. Son rôle est de maintenir et de renforcer une école à deux vitesses (y compris au sein du public), au service de la domination bourgeoise, comme en témoigne les dernières contre réformes, dont celle du lycée professionnel, qui doit faire coller l’école aux attentes immédiates du patronat.

C’est ainsi que le privé (à 96% catholique), auquel en 2021, 40 % des familles très favorisées avaient recours (chiffre en hausse), est financé à 70% par l’État, qu’il reçoit 8 milliards de fond publics en 2022 sans aucun droit de regard pendant que l’école publique, où on empile les élèves des classes populaires, est mise à la diète. D’un côté des établissements avec piscine comme Stanislas, de l’autre des bahuts qui s’effondrent, sans chauffage, sans lumière…

La bourgeoisie ne sape pas les conditions d’études de tous les élèves, elle sape celles des pauvres tout en améliorant, et même pour améliorer, celles de ses enfants. Il n’y a aucune contradiction entre le choix de la mère bourgeoise inquiète d’un côté et la politique que va mener la ministre de l’autre.

Le « réarmement civique » à coup de trique, à la mode catholique intégriste

Pour Macron le « réarmement civique » revient à mater la jeunesse, à faire régner l’ordre. En cela, une ministre qui a ses enfants à Stanislas est un programme en soi.

L’éducation en mode « Stan » c’est un peu Full metal jacket, on vous crie dessus à deux centimètres de la face et vous ne devez pas bouger. Pédagogiquement, Stan n’a jamais tourné qu’à la trique. Comme le veut un vieux mantra de l’institution : « le diable est dans les détails ». Aucun aspect de la vie des élèves ne doit être épargné. Une barbe mal rasée pour un garçon, une tenue trop découverte pour une fille, sont autant de velléités qu’il faut tuer dans l’œuf. Demander à chaque élève un à un s’il se masturbe au détour d’une convocation, ce n’est pas une sortie de route, il faut aller jusque-là, régler chaque comportement, mater chaque individu. L’institution fait peser une surveillance morale intégrale corsetée de répression sur ses élèves.

La ministre aura beau crier au procès d’intention, ce laboratoire d’éducation d’extrême droite dans lequel la ministre a « confiance », a tout à voir avec l’école que veut le gouvernement. SNU, interdiction de la abaya, classes de niveaux au collège, ordre moral contre les tenues des filles, uniforme obligatoire : l’école de Macron c’est le privé catholique, moins les moyens.

La crise ouverte par les déclarations, et en fait la simple mise en lumière de la nouvelle ministre, est une opportunité dont il faut se saisir pour faire dérailler le train des réformes que le gouvernement abat sur l’école mais aussi au-delà. En ce sens, les directions syndicales de l’éducation ont appelé à une prochaine journée de grève le 1er février prochain. Une date dont l’ensemble des personnels de l’éducation doivent se saisir pour exiger un plan de bataille pour construire une mobilisation d’ampleur contre la casse de l’école et pour des conditions de vie plus dignes : pour une hausse des salaires et leur indexation sur l’inflation, la titularisation de tous les personnels contractuels et précaires de l’éducation, l’embauche massive et l’ouverture de nouveaux postes pour pouvoir accueillir dignement nos élèves, dans des classes non surchargées, dans des conditions humaines, pour le retrait de toutes les offensives réactionnaires et racistes qui s’abattent contre les plus précaires de notre camp social. En premier lieu la Loi Immigration, qui va toucher nombre de personnels de l’éducation, de familles et d’élèves.

Il faut exiger la fin du parasitage des écoles privées : plus aucun financement des écoles bourgeoises par l’argent public !

Un tel programme, qui ne pourra être imposé que par une mobilisation généralisée, est la seule solution viable pour l’école publique. C’est à la construction d’une telle riposte que les directions de nos organisations syndicales devraient consacrer leurs efforts. Au lieu de quoi on a vu défiler ce lundi une à une les différentes directions syndicales dans le bureau de la ministre… à exiger des excuses qu’elle n’a pas donné !

Comme Oudéa-Castera mais dans l’autre camp, nos organisations doivent être mises résolument sur le chemin de la lutte des classes, non chercher à retrouver « confiance » ou à pouvoir « discuter de manière sereine » avec la ministre. Dans l’éducation comme ailleurs, ce gouvernement ne nous laisse pas d’autres choix que de renouer avec les méthodes historiques de la classe ouvrière, avec l’auto-organisation et la grève.


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