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Argentine

Dévaluation, licenciements, loi anti-blocages : Milei lance ses premières attaques

La première semaine du gouvernement de Javier Milei a été marquée par une série d’annonces brutales. En dévaluant la monnaie de la moitié de sa valeur, Milei mène une attaque historique contre les salaires et les services publics, tout en préparant la répression de toute contestation.

Julien Anchaing

15 décembre 2023

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Dévaluation, licenciements, loi anti-blocages : Milei lance ses premières attaques

Après sa prise de fonction dimanche dernier, Javier Milei a annoncé cette semaine des attaques fulgurantes contre les salaires et les conditions de vie des travailleurs et des plus précaires du pays. Avec l’aide de ses ministres stars de l’Economie et de la Sécurité, les deux anciens fonctionnaires macristes Luis Caputo et Patricia Bullrich, le nouveau gouvernement a présenté une série de mesures brutales qui risquent de dégrader profondément la vie des plus pauvres du pays. Un programme de classe qui ne saurait être appliqué sans une répression féroce.

Les 10 mesures austéritaires de Milei saluées par le FMI

Le ministre de l’Économie Luis Caputo a annoncé ce mardi une forte dévaluation, de près de 50%, de la valeur du peso argentin, la monnaie nationale. Avec cette mesure, le peso est passé d’une valeur officielle de 350 pesos le dollar à 800 pesos pour un dollar (soit une augmentation de 118% du prix du dollar en pesos). Une mesure qui a des conséquences dramatiques sur les salaires, les budgets des institutions publiques et l’épargne des ménage les plus pauvres qui ne sont bien évidemment pas indexés à l’inflation et qui ont perdu une partie conséquente de leur valeur en une nuit.
Cette mesure d’austérité est présentée par Luis Caputo comme une nécessité d’urgence pour freiner l’inflation au travers du déclenchement d’une récession. Elle aura surtout pour conséquence de favoriser les grandes concentrations patronales agricoles, dont le modèle économique est basé sur l’exportation, tout en imposant une restriction massive de la consommation par la baisse des salaires et la hausse des prix de l’importation des biens du quotidien. Un choc massif que le journaliste économique Romaric Godin compare à la cure d’austérité qu’a subi la Grèce en 2010 avec l’aide du Fonds Monétaire International.

Parmi les autres mesures annoncées par le gouvernement, la suspension de tous les travaux publics financés par l’Etat Fédéral, la libération de l’ensemble des prix qui étaient jusqu’à présent contrôlés par des mesures minimales, notamment dans la grande distribution, ainsi que la baisse des subventions à l’énergie et aux transports et des licenciements massifs dans la fonction publique. Des mesures chocs ayant pour but de faire baisser drastiquement l’activité. La baisse des subventions publiques pourrait notamment avoir pour conséquence une multiplication par seize du coût du billet de transport dans la capitale, bien que la mesure touche de manière inégale l’ensemble des provinces du pays dont certaines doivent déjà faire face à des prix extrêmement élevés des transports en commun.

Du côté de la fonction publique, c’est une suspension des contrats de l’ensemble des salariés ayant moins d’un mois d’ancienneté qui a été annoncée, ouvrant la voie à des licenciements massifs dans les services publics, alors que le gouvernement a annoncé la réduction drastique du nombre de ministères et la fusion des ministères du travail, du développement social et de l’éducation dans un ministère du Capital Humain. Dans le même temps, la désindexation des retraites à l’inflation (déjà très faibles en Argentine) ainsi que la suspension de divers programmes sociaux entraînera des conséquences dramatiques sur les plus pauvres.

L’ensemble de ces mesures constituent le point de départ d’un véritable plan de guerre de classe mené par les classes dominantes et l’alliance qu’a réussi à forger Milei avec de nombreux secteurs patronaux et la droite de gouvernement, incarnée par les anciens fonctionnaires macristes qui sont devenus ministres. Elles seront accompagnées d’un rachat important de la dette privée des entreprises importatrices par la Banque Centrale. Des mesures qui cherchent à contenter rapidement les secteurs du patronat et de la bourgeoisie tout en multipliant les attaques contre les travailleurs et les pauvres du pays. Le plan a été salué par le FMI, qui s’est empressé de déclarer son enthousiasme pour des mesures considérées « courageuses », expliquant : « ces premières actions fortes visent à améliorer considérablement les finances publiques de manière à protéger les plus vulnérables de la société et à renforcer le régime de change. Son application décisive contribuera à stabiliser l’économie et à jeter les bases d’une croissance plus durable menée par le secteur privé »

Un protocole « antipiquetes » qui cherche à garantir les mesures austéritaires du gouvernement

Pour soutenir son plan économique, le gouvernement a annoncé au travers sa ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, la mise en place d’un protocole « d’ordre public » dit « antipiquetes », en référence au nom donné aux blocages de route, une méthode traditionnelle du mouvement ouvrier et des chômeurs en Argentine. L’ancienne candidate de la droite est devenue une alliée centrale de Javier Milei après son échec aux élections. Elle avait déjà été ministre de la Sécurité durant le gouvernement de Mauricio Macri (2015-2019). A cette période, elle avait cherché à imposer un plan de répression massive qui avait été freiné par les mobilisations sociales de 2016. Cette fois-ci, le gouvernement voudrait imposer des mesures extrêmement restrictives des mobilisations sociales dans la rue, à commencer par l’application de l’article 194 du code pénal, hérité de la dictature d’Ongania des années 60.

Celui-ci vise à menacer les personnes se mobilisant dans la rue à un risque de prison « de 3 mois à 2 ans » ainsi qu’une possibilité pour les autorités administratives d’imposer des amendes voire des saisies de biens des manifestants. Une loi qui s’attaquerait directement au droit de manifester mais qui donnerait également lieu à une démultiplication du pouvoir des forces de répression, car elle devrait être accompagnée d’une intervention systématique des forces fédérales de police, les plus armées et les plus répressives du pays.

Ce plan avait déjà été un échec pour Bullrich en 2016, ce qui n’a pas empêché celle-ci de réprimer et d’être responsable des assassinats de Santiago Maldonado et Rafael Nahuel. Il est une démonstration du fait que le plan austéritaire de Javier Milei sera imposé par des mesures autoritaires et extrêmement répressives contre l’ensemble de ceux qui voudraient s’opposer au nouveau gouvernement ultralibéral. Il a par ailleurs récemment ouvert la voie à des menaces de mort formulées par un député d’extrême-droite contre l’ex-candidate de la gauche révolutionnaire Myriam Bregman.

Contre Milei et ses plans austéritaires, des premières mobilisations à venir

Dans de nombreux secteurs du public, les travailleurs préparent la résistance aux attaques de Milei. Ce 20 décembre, les organisations sociales et de chômeurs appellent à une mobilisation contre les mesures répressives de Patricia Bullrich. Cependant, les bureaucraties syndicales se sont pour le moment contentées de se positionner publiquement contre les attaques de Javier MIlei sans appeler à construire le moindre plan de bataille contre le nouveau gouvernement, qui va chercher à diviser les secteurs qui souhaiteraient lutter contre ses projets néolibéraux et réactionnaires.

De son côté, le parti des travailleurs socialistes, organisation sœur de Révolution Permanente en Argentine cherche déjà à se lier à l’ensemble des phénomènes de lutte et de résistance contre le nouveau gouvernement de Milei. Il est certain que de nombreuses luttes et résistances pourraient se développer face aux plans austéritaires et autoritaires du gouvernement. Comme nous l’expliquions dans un récent article « la perspective d’une union de l’ensemble des secteurs menacés par les attaques de Javier Milei et la construction d’un véritable front unique sera une donnée stratégique essentielle pour mettre un frein au gouvernement ultralibéral et réactionnaire. Se lier à l’ensemble des phénomènes de lutte qui traverseront le pays en les articulant à un programme socialiste et révolutionnaire sera une tâche essentielle pour refuser que les travailleurs et l’ensemble des opprimés du pays ne paient la crise. »


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