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Justice à deux vitesses

Égorgement raciste : la justice ne reconnait pas la tentative d’homicide et libère l’agresseur

Vendredi, dans le Val-de-Marne (94), un habitant a tenté d’égorger Mourad, jardinier, après l'avoir traité de « sale bougnoule ». En dépit du caractère raciste évident et de la violence de l'agression, la justice refuse de reconnaître le chef de tentative d’homicide et a remis l’agresseur en liberté.

Jyhane Kedaz

21 novembre 2023

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Égorgement raciste : la justice ne reconnait pas la tentative d'homicide et libère l'agresseur

C’est une agression dont Mourad, 29 ans, se souviendra toute sa vie. Vendredi 17 novembre en début d’après-midi, ce jardinier et deux de ses collègues entretiennent l’espace vert d’un pavillon à Villecresnes (Val-de-Marne), transportant du bois taillé vers leur camion, qui bloque la route. Lorsqu’un homme d’environ 70 ans sort de sa voiture et se met à hurler “Oh ! C’est chez moi les bourricots ! Les bougnoules, je suis chez moi !”, selon des propos recueillis auprès de la victime par Street Press. Des insultes qui précèdent l’agression raciste dont va être victime Mourad dans les minutes qui suivent, alors que le septuagénaire lui assène un coup de cutter au cou, ouvrant “une plaie cervicale de quinze centimètres”.

Mediapart s’est procuré la vidéo de caméras de surveillance dans la rue, ainsi que des enregistrements de la victime elle-même. Mourad, qui explique que ce n’est pas la première fois qu’il est victime d’insultes racistes, a en effet le réflexe de filmer son agresseur. On y voit l’homme crier “Retourne chez toi !” et menacer les jardiniers avec un cutter.

L’accusation de tentative d’homicide non retenue, l’accusé est libre

C’est la propriétaire du pavillon qui appellera le Samu, et tentera une première fois d’aller au commissariat, où elle explique qu’on lui a découragé de porter plainte. « Heureusement qu’il y avait les caméras », souligne Mourad, « sans ça, il serait déjà sorti de garde à vue ». Interpellé, l’homme sera jugé en mai 2024 pour « violence avec usage d’une arme » et « injure non publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion », a précisé le ministère public, selon France Info avec AFP. L’avocat de la victime, Hosni Maati, plaide lui pour le chef de tentative d’homicide volontaire. « A quelques centimètres près, il aurait pu toucher la jugulaire ou la carotide. Mon client a cru mourir ». L’agression du père de famille de 29 ans lui aura valu 15 jours d’incapacité totale de travail, toujours selon France Info.

Mais le septuagénaire ressort uniquement avec un contrôle judiciaire « qui l’oblige à pointer au commissariat deux fois par semaine. Il n’a en revanche aucune interdiction de retourner sur les lieux de l’agression », précise Street Press, alors même que la propriétaire du pavillon est témoin dans l’affaire, et se dit se sentir menacée dans son voisinage. La tentative de décourager les victimes de porter plainte, la légèreté des infractions retenues et des mesures du contrôle judiciaire dénote, en comparaison à d’autres faits de même nature, reflétant la banalisation du racisme et de l’islamophobie, que la justice raciste concoure et alimente.

Une indignation à deux vitesses : sous pression, le gouvernement obligé de réagir

Face à cette tentative d’homicide ouvertement raciste et islamophobe, la justice raciste libère l’agresseur, tandis que parmi le gouvernement et les grands médias, c’est le silence et l’indignation à deux vitesses qui prime. Le gouvernement, par la voix de Gérald Darmanin, n’a réagi que mardi 21 novembre, soit cinq jours après l’agression, déclarant sur les réseaux sociaux que « le racisme et la violence n’ont pas leur place dans notre société ». C’est aussi par peur d’être accusé d’une indignation à géométrie variable que Darmanin a dû répondre au sein de l’hémicycle aux interpellations de députés de LFI. Dans le même temps, pourtant, Darmanin s’est empressé d’instrumentaliser la rixe meurtrière de Crépol, dans laquelle un garçon de 16 ans a perdu la vie, parlant « d’ensauvagement de la société » sur le plateau de C à vous, vocabulaire emprunté à l’extrême-droite.

Une indignation à deux vitesses dont on ne s’étonne pas de la part d’un gouvernement qui a œuvré avec abnégation à renforcer toujours plus le racisme et l’islamophobie d’Etat, au travers des lois comme la loi séparatisme, et la future loi de projet immigration, qui stigmatisent les personnes musulmanes ou assimilés comme telles, les étrangers et personnes sans-papiers, en s’appuyant sur une rhétorique d’extrême-droite autour de « l’ensauvagement ».

Face à un climat de plus en plus réactionnaire alimenté par une justice à géométrie variable plus prompte à emprisonner les jeunes des quartiers populaires pendant la révolte des banlieues, il est nécessaire de dénoncer haut et fort cette justice profondément raciste, ainsi que le gouvernement, la droite et l’extrême droite qui alimentent par leurs politiques et leurs discours le racisme et l’islamophobie.


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