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Europe forteresse

L’ UE et la Tunisie s’accorde sur un « partenariat stratégique » européen anti-migrant

Le 11 juillet, l’Union Européenne a signé un nouvel accord de 255 millions d’euros avec le régime autoritaire de Kais Saied. Un « partenariat stratégique » qui comprend le renforcement de la politique anti-migrant européenne, au travers une externalisation de ses frontières.

Léo Stella

17 juillet 2023

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L' UE et la Tunisie s'accorde sur un « partenariat stratégique » européen anti-migrant

Crédits photo : capture d’écran France 24

Un « partenariat stratégique » pour sauver le régime de Saied et renforcer la politique xénophobe européenne

Un mois après une première visite début juin, Ursula Von Leyer, Giorgia Meloni, présidente du conseil italien et Mark Rutte, premier ministre néerlandais ont signé ce dimanche l’accord voulu avec le régime tunisien après plusieurs tractations. Un accord qui promet une subvention de 255 millions de la part de l’UE à la Tunisie, et qui s’articule autour de « cinq piliers » : « la stabilité macroéconomique, le commerce et les investissements, la transition énergétique verte, le rapprochement entre les peuples, la migration et la mobilité ».

Derrière ces « piliers », l’accord vise en réalité à soulager économiquement la Tunisie qui connaît un endettement à hauteur de 90 %, un chômage et une inflation massive. L’UE engage ainsi une aide budgétaire de 150 millions d’euros à la Tunisie pour appuyer certains secteurs comme le tourisme, l’agriculture, l’aérien ou encore le développement d’industrie « verte » afin aussi d’attirer des investisseur privés. Des investissements qui profiteraient aux puissances impérialistes européennes, comme le gigantesque projet « Elmed » qui prévoit l’installation d’un réseau électrique entre la Tunisie et l’Italie. En plus des 100 millions accordés, l’accord prévoit une aide de 900 millions d’euros dans le cadre d’une possible entente entre le FMI et la Tunisie.

En contrepartie de cette aide financière, l’UE compte sur la Tunisie pour qu’elle renforce son rôle de garde-frontière. En effet, l’un des principaux axes de l’accord comprend l’externalisation des frontières européennes afin de « mieux contrôler l’immigration irrégulière » pour reprendre les mots de Mark Rutte. Pour se faire, l’UE compte donner 105 millions d’euros à la Tunisie afin de former les gardes-côtes et financer leurs équipements de répression ou de surveillance. Une somme à laquelle il faut ajouter la surenchère de 26 millions proposée par Darmanin afin de « contenir le flux irrégulier de migrants et favoriser leur retour ».

« Favoriser les retours », ou pour le dire autrement, accepter les expulsions massives de migrants depuis l’Europe, censées doubler avec le futur pacte européen « Immigration » prévu pour 2024. Une mesure dont le gouvernement Saied a obtenu la modification, pour n’accepter que les retours de personnes tunisiennes qui représentent une grande partie des départs depuis le Maghreb, et non des migrants subsahariens (ce qui était la demande initiale de l’Union Européenne).

L’Union Européenne vient donc de s’engager à financer le régime de Kais Saied qui mène d’ores et déjà une politique ouvertement xénophobe et sécuritaire. Depuis des mois, le régime manie la rhétorique du « grand remplacement » de la population arabe par la population subsaharienne, qui a provoqué un déferlement de haine négrophobe, allant jusqu’à l’organisation de pogroms à Sfax ce mois-ci.

Dans la continuité de sa politique raciste, le régime de Saied a également mis en place une véritable chasse aux migrants, à coup de lynchages policiers et d’expulsions aux frontières désertiques avec la Lybie et l’Algérie, laissant ainsi les migrants à leurs propres sorts dans les déserts. Une politique à laquelle l’Union Européenne va désormais accorder des millions, comme elle l’a fait par le passé avec Kadhafi en Libye, ou plus récemment Erdogan en Turquie.

Un « nouveau modèle » migratoire européen impulsée par Meloni

La signature de l’accord dimanche s’insère dans un cadre plus large de renforcement de la politique migratoire européenne dont l’externalisation des frontières est une des principales orientations et directement impulsée par Giorgia Meloni. Comme cette dernière a déclaré lors de la rencontre, l’accord avec la Tunisie est « une nouvelle étape importante pour traiter la crise migratoire de façon intégrée » et « peut-être considérée comme un modèle pour l’établissement de nouvelles relations avec l’Afrique du Nord ».

Après la Tunisie qui constitue un premier test, l’Union Européenne compte élargir ces « partenariats stratégiques » à un ensemble de pays du Maghreb. Par exemple, les liens avec le Maroc, avec qui l’Espagne a déjà ficelé des accords d’externalisation des frontières qui ont notamment été la cause du drame de Mellila, prévoient d’être renforcés. Un article d’Euronews fait état des plans anti-migrants que dessinent l’Europe pour l’avenir : « Les 27 ont annoncé un paquet de 60 millions d’euros pour les Balkans occidentaux, de 120 millions d’euros pour l’Égypte et 152 millions d’euros pour le Maroc. Les pays à proximité ne sont pas les seuls à bénéficier d’une aide financière. Le Nigeria a obtenu par exemple 28,4 millions d’euros pour soutenir les efforts du gouvernement. Le Bangladesh a reçu 55 millions d’euros et le Pakistan 59 millions d’euros pour différents programmes comme le retour des demandeurs d’asile. »

Comme pour l’accord avec la Tunisie, l’UE compte donc s’appuyer sur les pays semi-coloniaux pour renvoyer un maximum de migrants hors du continent, tout en les sollicitant pour la protection des frontières européennes, ce peu importe le nombre de naufrages en Méditerranée que cette politique implique. Et en interne de l’Union Européenne, ce renforcement xénophobe permet à l’extrême-droite italienne de jouer un rôle de premier plan : Meloni était au centre des discussions avec Kais Saied ainsi qu’avec plusieurs dirigeants du Maghreb comme la Libye, et va organiser dimanche prochain un grand sommet national de la « migration », où Saied sera l’invité d’honneur.

L’Union Européenne, avec les gouvernements réactionnaires comme ceux de Meloni et Mitsotakis prévoit ainsi de faire de la Méditerranée un véritable cimetière à ciel ouvert. Des offensives internationales qui se poursuivent dans les frontières internes des États européens, comme l’Allemagne qui a récemment renforcé sa traque contre les migrants. En France, le gouvernement Macron mène une politique réactionnaire anti-migrant qui devrait se concrétiser, après plusieurs camouflets, dans une nouvelle loi immigration à la rentrée. Une politique à laquelle l’ensemble du mouvement social doit s’opposer avec force, et défendre l’abrogation de toutes les lois sécuritaires et xénophobes, l’ouverture des frontières et la régularisation immédiate de tous les sans-papiers. A bas l’Europe forteresse !


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