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Analyse

Prime au mérite, « mobilité » des agents : la réforme 100% néolibérale de la fonction publique se prépare

Vendredi dernier, Stanislas Guérini a dévoilé les grands axes de la prochaine loi sur la fonction publique. Le gouvernement prévoit une nouvelle attaque d’ampleur qui finira de libéraliser le service public et de casser le statut de fonctionnaire.

Léo Stella

6 septembre 2023

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Prime au mérite, « mobilité » des agents : la réforme 100% néolibérale de la fonction publique se prépare

Crédit photo : Ministre de la transformation et de la fonction publique

Prime au mérite, « mobilité » pour les agents, fin du « statu quo »... Ce vendredi, Stanislas Guérini a donné la couleur de l’offensive que va mener le gouvernement à travers sa prochaine loi sur la Fonction Publique. Dans un premier temps, le but est de mener une offensive néo-libérale en individualisant le travail et la rémunération des fonctionnaires avec la mise en place de primes « au mérite » en fonction de la charge de travail assurée par les agents. L’autre pan des annonces constitue une nouvelle attaque du statut du fonctionnaire, avec notamment la mise en place d’une « mobilité » des agents. Des mesures dans la continuité de la loi de 2019, auxquelles l’ensemble des travailleurs de la fonction publique doivent se préparer à faire face.

Un saut dans la néo-libéralisation de la fonction publique à travers la mise en place de primes au « mérite »

« Le statut de la fonction publique ne peut pas être le statu quo, et ce n’est pas un gros mot que de le dire  ». C’est par ces mots que le ministre de la Transformation et de la fonction publique a clôturé son annonce sur la prochaine loi à l’institut régional d’administration (IRA) à Lyon. Derrière la fin du « statu quo », Guérini entend concrétiser une nouvelle offensive afin d’individualiser le travail des agents du service public.

Pour cela, la principale annonce repose sur la mise en place d’une prime au mérite qui sera décidée par les employeurs publics afin de permettre « de davantage rémunérer l’agent qui aura fait plus, qui aura fait mieux, davantage rémunérer l’équipe qui a été mobilisée exceptionnellement en période de crise ou qui a collectivement mené à bien un projet exigeant » selon les mots du ministre. L’objectif est clair : proposer des augmentations de salaires ou des primes pour ceux qui accepteront ou seront forcés d’accepter une surcharge de travail et mettre en place un système de concurrence entre les agents.

Guérini applique ici une vieille logique néo-libérale d’individualisation et de mise en concurrence, que les différents gouvernements ont toujours voulu installer dans la fonction publique. La mise en place de cette prime au mérite va en effet forcer les agents des services publics, dans un contexte d’inflation et de quasi-stagnation du point d’indice, à accepter des charges de travail alourdies ainsi qu’une cadence accentuée dans des conditions toujours plus difficiles. Elle constituera également un moyen pour les employeurs publics de mettre la pression aux agents quant à la quantité de travail.

Une offensive qui s’inscrit dans la continuité de politiques déjà menées par le gouvernement Hollande, avec la mise en place de la prime RIFSSEP en 2014 qui donnait déjà aux employeurs territoriaux la possibilité d’évaluer le montant perçu par l’agent ou encore, plus récemment, avec le pacte enseignant pour le secteur de l’Éducation.

Mobilité et flexibilisation : un saut dans la casse du statut de fonctionnaire

En complément de la prime au mérite, Guérini compte effectuer un saut dans la casse du statut de fonctionnaire à travers la mise en place de « mobilités ». Derrière ce terme, le ministre veut mettre fin au statut de fonctionnaire en permettant qu’un agent des services publics soit permutable de branche en branche, selon les besoins d’effectifs, mais en cherchant également à « faciliter les mobilités entre public et privé ». Un changement d’importance car les agents ne seraient plus ancrés (suite à un concours) dans tel ou tel secteur, mais voués à évoluer en fonction des besoins du gouvernement et des collectivités territoriales, qui pourraient forcer un agent à changer de secteur.

Ainsi, un fonctionnaire territorial chargé d’accueil dans la culture pourrait se voir contraint, sous couvert de besoin de « mobilité », à travailler comme chargé d’accueil dans un lycée. La mise en place d’une mobilité du « service public vers le privé » énoncée par le ministre pourrait également servir de préalable à la possibilité d’inciter fortement des travailleurs de la fonction publique à travailler dans le secteur privé.

En ce sens, la mise en place du principe de « mobilité » entre le public et le privé va permettre au gouvernement de toujours plus externaliser les services publics. Depuis la loi de 2019 sur la Transformation de la Fonction Publique et les coupes austéritaires, notamment des budgets des collectivités territoriales par le gouvernement, on assiste à une externalisation toujours plus importante des services publics vers le privé par exemple sur la question des transports. La future loi prévue par Guérini ne va faire qu’accélérer ce processus qui attaque à la fois le service public avec les externalisations de différents secteurs ou services ainsi que le statut du fonctionnaire avec la mise en place de la flexibilisation des agents qui auraient ainsi vocation à être à terme des pions modulables pour compenser les manques d’effectifs.

Pour couronner son offensive, Guérini a annoncé des mesures concernant le « renforcement de la sécurité des agents publics », dans la continuité de la politique sécuritaire du gouvernement. En faisant directement le parallèle avec les révoltes des quartiers populaires, le ministre joue ici sur « l’insécurité des agents » pour pouvoir mettre en place une prétendue « sécurisation » des services publics. Le gouvernement prévoit donc « un plan d’ici à quelques semaines » : renforcement fonctionnel sur les lieux de travail, mise en place de dispositifs d’alertes directement en lien avec la police : une façon de faire des services publics un levier supplémentaire de la politique sécuritaire du gouvernement.

Une offensive qu’il va falloir combattre

La nouvelle loi prévue par Guérini constitue ainsi une offensive d’ampleur de casse des services publics, dans la continuité de la loi Transformation des Services Publics de 2019 qui avait déjà permis une libéralisation du secteur du public notamment chez les territoriaux. Alors que les agents des services publics comme de nombreux travailleurs subissent de plein fouet l’inflation, la baisse du niveau de vie et des conditions de travail toujours plus dégradées, l’heure doit être à combattre ce projet.

Or, sur ce plan, les directions des syndicats restent pour l’heure l’arme au pied. Pire, elles ont même prévu de rencontrer les unes après les autres le ministre courant septembre. Alors que les discussions de juin entre le ministre et celles-ci, de la CGT à la CFE-CGC, ont illustré une nouvelle fois qu’il n’y a rien n’a rien à attendre de discussions dans des salons ministériel, cette attitude désarme les travailleur-euses et ne prépare en rien au combat contre l’offensive qui se prépare. Les directions syndicales doivent immédiatement quitter la table des négociations !

Face à cette nouvelle attaque, il s’agirait de construire un plan de bataille offensif contre la réforme Guérini et la loi de 2019, et plus largement contre la casse des services publics. Une perspective à défendre dans le cadre d’un programme qui pose la question de l’indexation des salaires sur l’inflation et des augmentations générales des salaires pour toutes et tous, et s’oppose aux attaques racistes et autoritaires du gouvernement, qui permette de sceller l’alliance avec les travailleurs du privé.


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