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L’édito du Poing Levé

Quand le contournement de Parcoursup par Oudéa-Castéra montre l’hypocrisie de la "méritocratie" 

Pendant que Gabriel Attal promet le renforcement de la sélection sociale à l’école et l’université, la ministre de l’Education Nationale contourne Parcoursup pour son fils. Un scandale qui abîme le mythe de la « méritocratie » et rappelle que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous.

Ariane Anemoyannis

23 janvier

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Quand le contournement de Parcoursup par Oudéa-Castéra montre l'hypocrisie de la "méritocratie"

Crédit Photo : Amélie Oudéa-Castéra sur X (Twitter)

« Clarté, cohérence, réussite… mais surtout honnêteté » : le descriptif fait de Parcoursup par les Jeunes Avec Macron (JAM) dans une tribune sur le site d’En Marche en avril 2022 a de quoi faire sourire à l’aune des révélations de Médiapart ce weekend. Énième polémique autour de la ministre de l’Éducation nationale, son fils aîné aurait contourné la plateforme de sélection pour intégrer la prépa de l’école privée Stanislas.

Un privilège de classe que n’ont pas pu se payer les 800 000 candidats de 2023, obligés par le Code de l’Éducation à se mettre en concurrence au nom de « l’égalité des chances ». Si le directeur de cet établissement traditionnaliste catholique s’est défendu sur BFMTV de tout traitement de faveur concernant Vincent Oudéa-Castéra, c’est pour admettre néanmoins l’essentiel : les lycéens sont effectivement sélectionnés par la direction pour assurer la conservation de « l’esprit Stan » - comprenez, la reproduction sociale et idéologique de cette école ultra élitiste et réactionnaire.

Une information plutôt malvenue à l’heure où Parcoursup réouvrait ce 17 janvier, après avoir laissé l’année précédente 84 000 élèves sans affectation à l’issue de la première phase d’admission en juillet 2023. Surtout alors que Gabriel Attal a annoncé en décembre la transformation du brevet en examen conditionnant l’accès au lycée, le durcissement de l’admissibilité du baccalauréat, et la fin progressive des classes d’âge au profit de groupes de niveau. Le tout, au nom d’un « devoir d’exigence et d’excellence ».

Une formule creuse bien en phase avec le concept de « méritocratie » que n’a cessé de mobiliser la macronie pour justifier la mise en place de Parcoursup, de la réforme Blanquer, puis plus récemment de Trouver Mon Master. Autant de dispositifs qui accélèrent en réalité le tri social afin de mieux adapter l’enseignement supérieur aux besoins du patronat, et que le gouvernement entend encore renforcer avec le projet de répartir les étudiants entre « facs d’élite » et « facs poubelles », selon leur mérite bien sûr. Preuve s’il en fallait une de l’efficacité de ces mesures : selon le tout dernier rapport PISA publié en décembre, l’enseignement français est parmi les plus inégalitaires des 38 pays de l’OCDE.

Une réalité que Macron avait cherché à masquer avec la mise en place les « cordées de la réussite » et des « internats d’excellence ». Des cursus destinés à une poignée d’enfants pauvres avec du « potentiel », permettant pour le sociologue Jules Naudet de « réinventer cette politique de l’alibi où on fait réussir quelques-uns pour mieux réussir à maintenir l’ordre social ». Pas de quoi convaincre : dans une enquête menée par le chercheur au CNRS Luc Rouban, 74% des sondés pensent que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous et 60% des catégories populaires estiment que la méritocratie n’existe pas. 

Dans ce cadre, il n’est pas anodin que le gouvernement cherche à généraliser le SNU et instaurer l’uniforme en même temps qu’il accroît la sélection sociale, sujet traditionnel de colère lycéenne et estudiantine. De fait le nouveau discours de « réarmement civique » trahit aussi l’échec de celui de la « méritocratie », l’encouragement à procréer au plus tôt et la promesse de contrôle de fertilité à 25 ans s’accordant mal avec celle du travail acharné à l’école pour « réussir » et pourquoi pas devenir milliardaire, comme Macron en encourageait les jeunes dès 2015.

Sélectionner, préserver la famille et faire taire ceux qui sortent du rang, le gouvernement veut allier autorité et conservatisme pour museler la jeunesse. Là encore un pari risqué, qui pourrait bien attiser le rejet d’institutions toujours plus étouffantes. C’est ce vers quoi œuvre Le Poing Levé en défendant l’abolition de toutes les mesures de sélection, la gratuité de l’enseignement, et une totale liberté de réunion pour les lycéens et les étudiants. 


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