×

Ouvrez les frontières !

Un an après Melilla. L’État espagnol continue de couvrir un massacre de migrants

Ce samedi 24 juin marque les 1 an du drame de Mellila lors duquel 37 migrants ont perdu la vie et 76 sont toujours disparus. La répression à l’origine du drame qui a eu lieu à la frontière de Melilla, enclave coloniale espagnole sur le territoire marocain, est le produit de la politique espagnole et européenne. Une politique migratoire que le premier ministre socialiste Pedro Sanchez poursuit en empêchant toutes recherches sur les faits mais aussi en renforçant l’Europe-forteresse.

Léo Stella

23 juin 2023

Facebook Twitter
Un an après Melilla. L'État espagnol continue de couvrir un massacre de migrants

Crédit photo : Gémes Sándor/SzomSzed, CC BY-SA 3.0

Le drame de Mellila : un massacre à la frontière

Il y’a un an, près de 2 000 migrants ont cherché à franchir la frontière de l’enclave de Melilla, territoire colonial espagnol, en escaladant le gigantesque double grillage hérissé de barbelés qui en fait une véritable forteresse. Une tentative très violemment réprimée par les forces de répression marocaine et espagnoles.

Les migrants se sont en effet retrouvés encerclés par les gardes marocains et espagnols, qui les ont attaqué à coup de gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc pendant plus d’une heure. Un témoignage d’un migrant étant présent sur les lieux révèle au journal Jacobin la violence dont ont fait preuve les gardes de l’État espagnol et marocain : « Il y avait des gaz lacrymogènes tirés des deux côtés et un hélicoptère espagnol [Guardia Civil] nous espionnait d’en haut. Les gens ne pouvaient ni voir ni respirer [à cause du gaz], et ils étaient désespérés. Les Marocains tiraient aussi des balles en caoutchouc et nous lançaient des pierres. J’étais l’un des chanceux qui ont réussi à traverser. Je me suis échappé [à l’intérieur du territoire], mais beaucoup d’autres ont été repoussés de l’autre côté de la frontière. La police marocaine a tué tant de gens. Une personne est morte juste devant moi. Elle a reçu une balle en caoutchouc dans la tête alors qu’il se trouvait en haut de la clôture, perdu connaissance et est tombée. Nous avons essayé de la ramasser, mais elle n’a pas bougé. »

Des témoignages qui révèlent les méthodes des forces répressives qui sont à l’origine des 37 morts et des dizaines de disparus. De nombreuses photos et vidéos ont témoignent également de l’ampleur de ce massacre. Face à cela, le gouvernement « progressiste » de Sanchez composé du PSOE-Podemos a directement dénoncé les migrants et couvert ses forces répressives. Sanchez a dans sa prise de parole condamné ce qu’il a qualifié d’ « assaut (...) violent et organisé de la part de mafias qui se livrent au trafic d’êtres humains contre une ville qui est un territoire espagnol ». « Par conséquent, il s’est agi d’une attaque contre l’intégrité territoriale de notre pays » avait alors ajouté le Premier ministre socialiste. Dans la continuité des paroles de Sanchez, les autorités de la province de Nador avait déclaré auprès de l’AFP que les victimes avaient trouvé la mort « dans des bousculades et en chutant de la clôture de fer » qui sépare l’enclave espagnole du territoire marocain, lors d’un « assaut marqué par l’usage de méthodes très violentes de la part des migrants. » Un discours de criminalisation des migrants et de justification de la répression meurtrière, repris dans la foulée par le gouvernement marocain.

Un drame couvert par l’État Espagnol qui continue de faire de ses frontières et de la méditerranée un cimetière

Face aux témoignages, vidéos et enquêtes d’ONG et associations, les gouvernements espagnol et marocain ont depuis le drame obstrué toutes procédures d’enquêtes. Le 23 décembre 2022, la justice espagnole a classé l’enquête « sans-suite ». Le ministère public a repris la version du gouvernement en dénonçant l’attitude « hostiles et violentes des migrants envers les agents espagnols et marocains » tout en blanchissant les forces de répressions espagnoles et marocaines qui malgré la fermeture des portes, les tirs de lacrymogène et de balles en caoutchouc n’aurait pas « augmenté le risque pesant sur la vie et l’intégrité physique des migrants ». Du côté de la royauté marocaine, même son de cloche : la justice refuse d’ouvrir des enquêtes tout en retenant les corps des migrants morts ce 24 juin 2022 pour éviter toute autopsie.
L’État marocain va même plus loin en condamnant en février treize migrants à des peines de prison allant de deux et demi à quatre ans pour leur « tentative d’entrée de force ».

Face aux dizaines de morts entassés à Melilla, qui fut l’un des plus grands drames au frontières physiques de l’Europe de ces dernières décennies, les deux gouvernements ont continué à nier leurs responsabilités tout en criminalisant les migrants. Cependant, le drame de Melilla n’est pas un cas isolé mais s’inscrit bien dans une politique xénophobe et sécuritaire de l’État espagnol et plus largement de l’UE.

Depuis son accès au pouvoir avec le groupe Podemos-Unidas, le gouvernement de coalition de gauche de Pedro Sanchez a renforcé la politique anti-migrants espagnole. C’est lui qui s’était rendu à Ceuta et Melilla quelques mois avant le drame de Melilla afin d’avancer sur un nouvel accord migratoire avec le Maroc après des mois de fermeture des postes-frontières. Des tractations menées sur la base de l’alignement du gouvernement espagnol avec la volonté marocaine d’un « plan d’autonomie » pour le Sahara occidental, c’est-à-dire l’abandon de toute perspective d’auto-détermination pour les saharouis au profit d’un statut assurant le maintien de la domination de l’État marocain sur ce territoire.

En échange de cela, le Maroc devait assurer son rôle de garde-côte en protégeant les frontières espagnoles sur son territoire. Une externalisation des frontières par l’Espagne qui a mené à un harcèlement constant des migrants dans la province de Nador, a poussé les migrants à prendre des chemins toujours plus risqués par la mer mais qui a aussi provoqué le drame de Melilla. Sanchez a joué par ce biais un rôle important dans le renforcement militaire aux frontières mais aussi dans la politique de l’UE d’utilisation des pays semi-coloniaux à l’image du Maroc, la Lybie ou la Tunisie comme gardes-frontières de l’Europe-forteresse.

C’est aussi lui qui lors du sommet de l’OTAN en 2022 était l’un des défenseurs d’une politique migratoire beaucoup plus dure face aux soi-disant « menaces hybrides » de la Russie ou des Etats africains qui « utiliseraient » la migration comme arme politique contre l’Occident.

Alors que pour les prochaines élections du 23 juillet, Yolanda Díaz et Podemos défendent leur candidature en avançant la nécessité d’une nouvelle édition du gouvernement avec le PSOE afin d’empêcher la droite de passer, le drame de Melilla montre toutes les limites du « moindre mal ». Au-delà des nuances, dans la défense des frontières de l’Europe, la droite et le « progressisme » partagent la même politique, celle des États impérialistes, et ils la défendent au prix de nouveaux morts chaque jours en Méditerranée comme le prouve le nouveau naufrage au large des îles canaries qui a coûté la vie à 39 migrants. Face au renforcement réactionnaire de l’impérialisme européen nous avons besoin d’une alternative, anti-impérialiste, antiraciste, en Espagne, en France et partout dans le monde qui se batte pour l’ouverture des frontières et la fin des politiques xénophobes criminelles.


Facebook Twitter
Interview d'une étudiante de Columbia : « les campements doivent s'étendre à l'ensemble du pays »

Interview d’une étudiante de Columbia : « les campements doivent s’étendre à l’ensemble du pays »

Invasion de Rafah : une nouvelle étape dans le génocide des Palestiniens

Invasion de Rafah : une nouvelle étape dans le génocide des Palestiniens

Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l'occupation de Columbia enflammait les campus américains

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l’occupation de Columbia enflammait les campus américains

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu'à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu’à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni