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Pas de justice, pas de paix

La justice alourdit les charges contre les policiers qui ont tué George Floyd, requalifiant en « meurtre »

L'inculpation visant Derek Chauvin, le policier qui a assassiné de sang froid George Floyd le 25 mai dernier, vient d'être requalifiée en « meurtre non-prémédité ». Une victoire sur le plan judiciaire, concession de la justice face à la colère populaire qui s'exprime contre le racisme systémique.

Boris Lefebvre

4 juin 2020

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Photo : Ben Crump, l’avocat de la famille de George Floyd. — Crédits : CHANDAN KHANNA / AFP

« Homicide involontaire » : voilà comment la justice américaine a qualifié les huit minutes de strangulation avec le genou par Derek Chauvin le 25 mai dernier qui ont coûté la vie à George Floyd. Depuis, les nuits d’émeutes et les manifestations massives ont fait bouger les lignes et déclenché une vague de protestation d’une grande profondeur dans tout le pays contre les violences policières et le racisme systémique qui sévit aux Etats-Unis. Cette vague s’est étendue à l’international, notamment en France. Le 3 juin, les autorités judiciaires ont donc changé leur fusil d’épaule pour requalifier le crime policier de Derek Chauvin en « meurtre non-prémédité », une accusation beaucoup plus lourde que la précédente ; et qui peut déboucher sur quarante années d’emprisonnement. Les trois policiers complices de ce meurtre raciste, qui l’ont cautionné par leur indifférence et leur passivité, ont eux aussi vu leur charges muées en « complicité de meurtre non-prémédité ».

Il s’agit là, indéniablement, d’un premier effet de la mobilisation en cours aux Etats-unis. Eli, new-yorkais témoignant au micro de Europe 1, déclare : « c’est une victoire, c’est sûr » ; mais il nuance immédiatement : « ce n’est pas assez... Attendons les condamnations. Trop souvent ces policiers s’en sortent, on a vu ça tellement de fois. C’est tout le système qu’il faut changer ». Mise en accusation n’est pas condamnation. C’est d’ailleurs la même remarque que fait Ben Crump, avocat de la famille Floyd, lorsqu’il déclare : « Nous voulons la justice. Nous ne voulons pas d’une justice partielle, nous volons une justice complète ».

La justice peut, en effet, manoeuvrer pour apaiser les colères, faisant trainer en longueur les procédures, les expertises et contre-expertises jusqu’au point où la colère de départ s’essouffle et que tout redevient comme avant. Les appels au calme des Démocrates, qui conseille d’attendre de sanctionner Trump en novembre, vont dans le sens de cette volonté d’apaisement des colères. Pourtant, la présidence démocrate d’Obama n’a pas fait fondamentalement baisser le nombre de meurtres racistes dans les rangs de la police.

On mesure aussi le poids et l’inertie de la justice face à un crime dont le caractère violent et raciste n’est pas contestable. Brian Carter, jeune afro-américain, souligne à l’AFP que « le problème c’est qu’il a fallu que nous descendions dans les rues et que nous coupions littéralement des ponts et des autoroutes pour obtenir justice » – ou plutôt, un début de reconnaissance de la part de la justice du caractère volontaire de la mise à mort de George Floyd. « Si un groupe de quatre hommes noirs avait tué une personne blanche, ils auraient été arrêtés sur place », ajoute-t-il, « ça ne se passe pas comme ça pour nous ». On ne peut que constater le « deux poids, deux mesures » de la justice états-unienne.

La requalification de la charge déposée contre les assassins de George Floyd ne doit pas non plus occulter que le combat dépasse largement cette affaire. Emblème des violences policières et des meurtres racistes qui ont court depuis toujours aux Etats-Unis, George Floyd incarne tout ce que le collectif Black Lives Matter dénonce depuis 2013 et la mort de Trayvon Martin, tué chez lui par un agent de sécurité.

Concession de la justice face à la colère populaire, la requalification du meurtre de George Floyd en « meurtre non-prémédité » ne nous fera pas oublier qu’il ne peut y avoir d’autre façon de mettre fin au racisme systémique, inscrit au cœur même de la police et de l’Etat, que le renversement de tout ce système.


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