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Justice pour Nahel !

Rassemblements devant les mairies : LFI et la NUPES dans un front pour « l’ordre » à l’appel de la droite

Lundi midi, l’ensemble de la classe politique, de LFI au RN, a répondu à l’appel au rassemblement devant les mairies. Une initiative de la droite qui s’appuie sur l'attaque du domicile du maire de l’Haÿ-les-Roses pour construire un front contre les révoltes et pour « le retour à l’ordre républicain ».

Damien Bernard


et Yann Causs

4 juillet 2023

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Rassemblements devant les mairies : LFI et la NUPES dans un front pour « l'ordre » à l'appel de la droite

Crédit Photo : Révolution Permanente

Ce lundi 3 juillet, l’Association des maires de France, dirigée par la droite, appelait à des rassemblements devant les mairies suite à l’attaque contre le domicile du maire de l’Häy-les-Roses dans la nuit de samedi à dimanche. Ces derniers jours, cet événement est en effet mobilisé par le régime pour criminaliser les révoltes et tenter de domestiquer l’ensemble de l’opposition ;

Après la visite de Darmanin et Borne à l’Häy-les-Roses dimanche, l’appel aux rassemblements de ce lundi de l’AMF affichait l’objectif de construire « une mobilisation civique des citoyens pour un retour à l’ordre républicain », appelant à ce que chacun prenne « sa part dans la responsabilité et le calme pour que le dialogue puisse reprendre. » Lundi, un « Appel des maires de France » allait plus loin, affirmant : « Nous faisons face à un cycle inouï de violences, que rien ne peut justifier et qui trahit cette légitime émotion en la transformant en une délinquance de droit commun. (…) Nous enjoignons l’État, qui a la responsabilité du maintien de l’ordre et dont la vocation est de protéger la société, de rétablir la sécurité par tous les moyens opérationnels et en droit dont il dispose. »

Un discours d’opposition aux révoltes en cours et de soutien à leur répression, qui a donné le ton aux rassemblements organisés aux quatre coins de la France, auquel l’ensemble des forces politiques institutionnelles ont malgré tout accepté de participer.

Derrière le soutien au maire de l’Häy-les-Roses, un « front-républicain » contre les révoltes et en soutien à la répression

Dans différentes villes de France les élus RN, LR, Renaissance, PCF, PS, EELV mais aussi LFI ont pris la parole les uns après les autres, avant d’organiser des minutes de silence et de chanter la marseillaise. Un front de l’ensemble de la classe politique qui a répondu à l’appel à se placer du côté « de l’ordre républicain », dans le cadre de rassemblements qui n’ont réuni, au mieux, que quelques centaines de personnes. A L’Häy-les-Roses, cœur de la mobilisation, une marche solidaire était organisée autour du maire LR Vincent Jeanbrun. Entouré de Gérard Larcher, Valérie Pécresse et Eric Ciotti, celui-ci a défilé derrière une banderole « Ensemble pour la République ».

L’occasion pour le maire de droite de tenir des discours très offensifs en expliquant « nous avons vu le vrai visage des émeutiers : celui d’assassins » avant d’ajouter : « Soit les voyous et les bandes auront raison de notre devise républicaine en brisant toute fraternité. Soit, ensemble, chers citoyens de France, nous relevons la tête, nous faisons face sans détourner le regard. Nous reprenons la parole pour que la majorité jusqu’ici silencieuse puisse se faire entendre et dire : stop ça suffit ! »

Dans le même sens, David Lisnard, maire LR de Cannes et président de l’AMF, a expliqué que les maires voient « bien monter la violence et les expressions de la crise d’incivisme ». De son côté, le maire ex-PCF de Nanterre, Patrick Jarry a affirmé que « les violences suites à la mort de Nahel sont inacceptables. Avant d’ajouter : « nous [l’équipe municipale] remercions toutes celles et ceux qui ont contribué à faire cesser les violences ».

Partout dans le pays où ces mobilisations ont rassemblé des élus de toutes les étiquettes politiques le même programme a pu s’étaler : retour à l’ordre, appel à la répression et unité derrière l’État et le gouvernement. Un véritable « front républicain », orchestré par la droite qui dirige l’Association des maires de France, mais qui a permis d’obliger l’ensemble des forces politiques à se placer derrière Macron et Borne.

La gauche institutionnelle cautionne une opération réactionnaire

La participation de la gauche institutionnelle à un tel front, au service de la surenchère autoritaire et condamnant ouvertement la révolte des quartiers populaires, est évidemment problématique. Du côté du PCF, de EELV et du PS, une telle opération se préparait déjà ces derniers jours, s’exprimant dans la multiplication des « appels au calme ». Le même jour, Olivier Faure, appelait « solennellement au retour au calme », tandis que Marine Tondelier expliquait la veille penser « à tous les élus locaux qui s’apprêtent à vivre une très longue nuit et à toutes celles et ceux qui se mobiliseront pour assurer la sécurité partout en France. »

L’ensemble de ces forces se sont donc rapidement positionnés en soutien ouvert à l’initiative de l’AMF. Dans un communiqué, EELV va encore plus loin dans les gages adressés au régime. Ne disant mot de la violente répression des derniers jours, l’organisation écologiste affirme : « Des révoltes ont éclaté et nous avons immédiatement appelé au calme et déploré les délits commis. (…) Nous pensons aussi aux commerçants et commerçantes dont les magasins ont été détruits, aux personnes dont les véhicules ont été brûlés, ainsi qu’aux habitant.es des quartiers désormais privés du peu de service public qui existaient. Nous pensons également aux personnes en première ligne, policier·es, pompiers, personnel de secours, agents municipaux, élu·es dont les maires. Nous leur apportons tout notre soutien. »

Du côté de la FI, qui avait maintenu jusqu’alors une position de refus d’appeler au calme dans les médias, c’est en revanche à un changement de pied qu’on a assisté. Face aux pressions de la macronie, la France Insoumise a finalement choisi de rentrer dans le rang, s’affichant dans différents rassemblements de soutien. A Saint-Denis, le député Eric Coquerel a ainsi pris la parole aux côtés de la très réactionnaire Valérie Pécresse et de préfets aux manœuvres dans la répression en cours. « S’attaquer de manière globale aux biens communs comme disait Hugo, qui sont le seul patrimoine commun des déshérités, est évidemment condamnable » a-t-il affirmé avant d’adresser une pensée à la famille de Nahel et d’évoquer le manque de moyens dans les quartiers populaires.

Des déclarations qui vont toutes dans le même sens : un appel au calme, une condamnation des violences, et pas un mot sur la violente répression policière et judiciaire qui s’abat sur les jeunes de quartiers populaires qui se sont révoltés. Des prises de position par lesquelles la gauche institutionnelle dans son ensemble cautionnent l’opération du gouvernement : instrumentaliser l’émoi autour de l’attaque du domicile du maire de Häy-les-Roses pour isoler la contestation sociale de la jeunesse des quartiers populaire dans l’opinion publique et légitimer sa violente répression.

Non au « front républicain » : construire un front par en bas, pour une riposte d’ensemble !

Face à ce front républicain qui vise un « retour à l’ordre », il faut une politique indépendante qui dénonce la répression et le saut autoritaire qui se prépare, pour commencer à construire une riposte par en bas et un mouvement d’ensemble. Une logique totalement à rebours de la position de la NUPES, qui s’est placée ce lundi dans le camp du gouvernement.

Le mouvement ouvrier, qui sait combien Macron est un ennemi avec lequel aucune convergence n’est possible, a un rôle central pour forger un programme permettant de répondre à la colère et de se doter d’un plan de bataille pour l’arracher. Un programme qui devrait poser, à côté de la revendication de la justice et la vérité pour Nahel et toutes les victimes de violences policières, la libération immédiate et l’amnistie de tous les réprimés, l’abrogation de la loi de 2017 et de toutes les lois racistes, mais aussi la lutte pour les salaires, le partage du temps de travail ou encore la défense des services publics dans les quartiers populaires.

Alors que l’intersyndicale, y compris la CGT, refuse pour l’heure de construire un plan de bataille en ce sens, il est nécessaire que l’ensemble des syndicalistes, travailleurs, jeunes et militants combatifs qui comprennent l’enjeu de la situation s’organisent et luttent dès maintenant pour construire cette perspective à la base, en s’organisant dans les lieux de travail et les quartiers populaires.

C’est ainsi que le Réseau pour la grève générale expliquait ce vendredi : «  le Réseau pour la Grève Générale refuse la logique selon laquelle les syndicats ne devraient se préoccuper que des retraites et des salaires, et pas de ce qui arrive à la jeunesse et aux travailleurs-euses dans les quartiers où on habite. Pour exiger justice et vérité pour Nahel et tous-tes les blessé-e-s, mutilé-e-s et tué-e-s par la police, dans les quartiers et dans les manifestations, nous devons peser de toutes nos forces et avec nos moyens d’actions les plus forts, notamment la grève. »


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